L'Yonne inspirée
L'Yonne est un département modèle pour la préservation, voire la reconstitution du patrimoine. Cela a commencé à Vézelay en 1840, avec Viollet-le-Duc. Cela se poursuit avec la lourde restauration du château de Saint-Fargeau et la construction, à partir de rien, du château fort de Guédelon, selon les seules techniques du Moyen-Age.
Prises de vues Canon EOS 55OD et zoom Sigma f:3.5/18-250. Cliquer sur les photos pour les voir en haute définition sur Flickr.
La basilique de Vézelay
La basilique de Vézelay est élevée sur le site d'une abbaye du IXème siècle. Des reliques de sainte Marie Madeleine sont supposées y avoir été exposées dès cette époque (la présence en France de ce personnage des Evangiles demeure légendaire). Les pèlerins affluent alors de toute la chrétienté, et la basilique connait son apogée au XIIème siècle. Les protestants ravagent l'édifice pendant les guerres de religions. La Révolution le laisse dans un état si déplorable qu'il est fortement question, sous Louis-Philippe, de le raser pour de bon.
Viollet-le-Duc est finalement appelé à le restaurer. Il a 26 ans, il débute, et c'est pourquoi il accepte cette tâche pharaonique que tous ses confrères ont refusée. On dit que l'architecte a respecté l'esprit du lieu autant que possible, en relevant les colonnes, restaurant les chapitaux et consolidant la voûte. Est-ce vrai ? Les parties romanes ne sont pas sans rappeler le style des basiliques construites au XIXème siècle, et le chœur gothique surprendrait un bâtisseur du XIIIème. Le lieu n'en suscite pas moins l'admiration des visiteurs et pèlerins, et le terme de "colline inspirée", tiré d'un roman de Maurice Barrès se déroulant sur le site de Sion-Vaudémont, est souvent employé à son sujet. L'agglomération aurait compté 10 000 habitants à son apogée ; elle n'en rassemble plus que 470 dans un petit bourg.
Photo HDR réalisée avec le nouveau logiciel Oloneo.
La crypte abrite toujours des restes de Marie Madeleine exposés dans un reliquaire. Une autre relique est enchâssée dans une colonne, après un vol récent (photo ci-dessous).
Le chantier de Guédelon
Commencé en 1998, le chantier de Guédelon est prévu pour être achevé en 2023. Il s'agit d'une forteresse de style XIIIème siècle, avec une muraille sertie de six tours, dont un donjon au hourd culminant à 28 mètres et un corps de logis seigneurial. Seul ce dernier est à peu près achevé. Les techniques de construction, les échafaudages, appareils de levage et outils sont rigoureusement ceux de l'époque médiévale. Les charpentes sont taillées sur place, ainsi que les pierres extraites aux alentours. Briques et tuiles sont également moulées et cuites dans des ateliers voisins, à partir de glaises locales. Le travail effectué de cette façon constitue évidemment une attraction touristique. Celle-ci assure le financement mais retarde aussi le chantier, car tous les ouvriers et artisans, en costumes d'époque, se prêtent aux questions des visiteurs avec une complaisance remarquable.
Le château de Saint-Fargeau
Réalisé sous son apparence actuelle au XVIIIème siècle sur l'emplacement d'une forteresse du IXème siècle, le château de Saint-Fargeau servit d'exil doré à la Grande Mademoiselle, sœur de Louis XIV, après avoir appartenu notamment à Jacques Cœur, argentier de Charles VII. Les somptueux aménagements opérés par la princesse furent entièrement détruits par un incendie en 1752. Le château devint ensuite la propriété du conventionnel Le Peletier de Saint-Fargeau, qui vota la mort de Louis XVI et le paya de sa vie, assassiné par un royaliste. Les révolutionnaires, respectueux de ce martyr de la République, se contentèrent de marteler les écussons de la façade que la Grande Mademoiselle avait fait poser. Mais le château dut subir un second incendie en 1853.
Malgré des restaurations entreprises à partir de 1860, l'intérieur est loin d'avoir retrouvé sa splendeur d'antan. Le château a appartenu aux descendants de Le Peletier jusqu'en 1968 : les Boisgelin et les Ormesson, qui durent se résoudre à la vente devant l'ampleur des travaux à entreprendre. Les frères Guyot se sont finalement portés acquéreurs en 1979 pour le franc symbolique. Un seul est demeuré propriétaire, finançant la restauration grâce aux visites et à des spectacles de son et lumière.
Quelques pièces ont été reconstituées, dont un superbe appartement loué en chambre d'hôte, une bibliothèque lambrissée de chêne, une salle à manger et un escalier monumental, réalisé par des artisans locaux. Les 15 000 mètres carrés de toiture sont portés par 1 200 mètres cubes de bois de charpente. La visite de ces immenses combles est l'une des principales attractions. On s'attardera aussi, dans le parc magnifique, sur une ébauche de musée des locomotives.
L'académicien Jean d'Ormesson, qui fréquenta les lieux autrefois, a popularisé le château de Saint-Fargeau dans son roman "Au Plaisir de Dieu", dont a été tirée une série télévisée en 1977 (on trouvera également ici un historique détaillé).
En ville se trouve également un éblouissant musée du Son, réunissant des centaines de gramophones, appareils à cylindre, postes anciens de TSF, pianos mécaniques, collection léguée par un élu local.